Les polymères
Leurs structures et leurs propriétés
Alain Boudet
Dr en Sciences Physiques
Résumé: Le plus souvent synthétiques, quelquefois naturelles, les matières plastiques doivent leur essor à leur large gamme de caractéristiques, dures, molles ou élastiques, transparentes ou opaques, isolantes et quelquefois conductrices, plus ou moins résistantes aux conditions agressives de leur usage, toujours légères. C'est la nature particulière de leurs molécules en forme de chaine, ainsi que la variété des modes d'assemblage qu'elles adoptent, qui est à l'origine de cette diversité.
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Les polymères, appelés communément "matières plastiques", sont indissociables de notre environnement et de notre vie pratique. Ils se sont imposés dans tous les domaines de nos activités, des plus visibles aux plus cachés, des objets les plus banals jusqu'à des applications techniques sophistiquées, en passant par leur utilisation dans les produits d'hygiène ou alimentaires. Que sont-elles au juste? Qu'ont-elles de particulier qui les rend différentes des métaux, des roches, des céramiques? Quelles qualités sont à l'origine de leur succès prodigieux? A quoi ressemblent-elles au niveau microscopique?
Avant de répondre, je voudrais d'abord proposer une attitude d'esprit pour aborder cette étude. Lorsqu'on nous enseigne des connaissances en physique, il arrive souvent qu'on en sorte désabusé, car un phénomène qui nous semble merveilleux devient explicable par une loi de la physique, et tombe dans la banalité. On peut se sentir ému par le reflet d'une bougie sur une table vernie, en percevoir la beauté et la magie, et sentir cette émotion s'éteindre en apprenant qu'il s'agit simplement de la réflexion de la lumière sur un plan obéissant aux lois de Descartes. Cependant, l'inverse est vrai également: connaitre les mécanismes et les forces à l'œuvre dans la matière peut renforcer notre émerveillement en mettant en lumière combien ces structures et ces forces sont ingénieuses et étonnantes.
Je vais donc tenter de vous faire partager mon admiration sur les structures étonnamment variées des polymères et vous en faire entrevoir la beauté. Vous ferez connaissance avec les molécules des polymères (appelées macromolécules), et vous comprendrez comment elles s'assemblent en microstructures qui leur confèrent des caractéristiques, des propriétés et des comportements remarquables, qui sont à l'origine de leurs multiples applications pratiques. Je vous convie à découvrir ce monde intime des polymères.
Cet article est un résumé de mon livre:
Voyage au cœur de la matière plastique, CNRS Éditions, 2003
En gros, les polymères, ce sont les matières plastiques. Contentons-nous de cette définition pour le moment, qui est suffisante pour comprendre la suite.
On rencontre les polymères dans les petits objets usuels de la maison, les appareils électroménagers, et aussi en tant que matériaux de construction, en revêtements et peintures, dans les emballages, les pneus, les fibres textiles, les produits médicaux, chirurgicaux, prothèses, produits d'hygiène, articles de loisirs, pièces de structures dans les véhicules de transport, les équipements électriques, les circuits électroniques, les matelas-mousses, les colles. Ils s'infiltrent aussi dans l'alimentation, les produits cosmétiques, le ciment, etc.
Les polymères qui servent à la fabrication de ces produits et articles sont synthétisés chimiquement à partir du pétrole, mais également du charbon, du gaz naturel et du bois ou d'autres substances végétales.
La nature elle aussi produit des polymères depuis toujours puisqu'on les trouve dans le bois et les végétaux sous forme de cellulose et d'amidon, dans les cheveux, les ongles, etc. L'ADN (voir L'ADN et le code génétique), les protéines, le collagène, la soie sont des exemples de polymères constitutifs du monde vivant.
Lorsqu'on parle de propriété d'un matériau, on se réfère à la façon dont il réagit à une sollicitation. On pourrait aussi la nommer une sensibilité à cette stimulation, ou bien son inverse, la stabilité et la résistance. Ainsi, les propriétés thermiques décrivent le comportement du matériau vis-à-vis de la chaleur.
On peut classer les polymères en deux types, en fonction de leur réaction à la chaleur: les thermodurcissables et les thermoplastiques.
Les thermoplastiques fondent lorsqu'on les chauffe, tout comme la glace ou le beurre. C'est le cas du polyéthylène, du polypropylène, des polyamides, de certains polyesters. C'est pourquoi il n'est pas recommandé d'oublier le panier à salade en plastique sur la plaque chaude de la cuisinière. En revanche, l'avantage est que dans l'état fondu, on peut les mouler dans la forme que l'on veut. C'est un procédé industriel employé pour fabriquer des objets à la pièce, en discontinu. Ce procédé est bien connu également pour les métaux, mais les températures de fusion des polymères sont bien plus basses, de l'ordre de 80°C à 300°C. Un autre procédé répandu de mise en forme est l'extrusion qui consiste à faire passer la matière chaude dans une vis qui l'entraîne dans une filière dont le profil permet de produire des fils, des films, des plaques, des tubes, des enrobages de câbles.
Les thermodurcissables durcissent quand on les chauffe. Un exemple connu est celui des colles ou des peintures. Ils sont également très employés comme pièces de structure thermostables, par exemple les résines polyépoxydes, certains polyuréthanes, certains polyesters. On les met en forme lorsqu'ils sont encore dans leur état mou, de la même manière que les thermoplastiques, avant qu'ils ne durcissent sous l'effet de la chaleur et d'additifs chimiques qui induisent la réaction de polymérisation.
Le succès des polymères provient en partie de la facilité avec laquelle on peut leur donner des formes voulues (d'autant plus à l'état fondu). Ils sont très malléables, très plastiques, d'où leur nom. En fait, cette plasticité varie dans une large gamme, des plus rigides, durs et cassants, aux plus mous (pâtes) ou élastiques (élastomères).
Les propriétés mécaniques décrivent leur comportement vis à vis à des sollicitations mécaniques telles que pressions, étirements, torsions, frottements, chocs et sous l'effet de la pesanteur. Autrement dit est-ce que la structure et la forme du polymère sont stables dans le temps, même s'il est un peu bousculé? Certains polymères seront appréciés pour leur bonne stabilité dimensionnelle (par exemple les polyesters aromatiques). D'autres, les élastomères, seront recherchés pour leur élasticité qui leur confère une excellente capacité d'absorption des chocs. On les emploie dans les pneus, les semelles de chaussures, les matelas, les fibres textiles élasthane (polyuréthane) ...
Thermoplastiques et thermodurcissables sont soumis au phénomène de vitrification. Au-dessous de leur température de vitrification, ou transition vitreuse, ils deviennent durs et cassants comme du verre. Au-dessus, ils sont plus souples, plus plastiques. A l'extrême, ils deviennent élastiques.
D'autres caractéristiques des polymères sont largement exploitées dans leurs applications:
Transparence (étuis de CD, bouteilles d'eau), translucidité, opacité, coloration.
Les polymères sont largement utilisés comme isolants électriques, en particulier dans les circuits électroniques et les gaines de câbles électriques. Il existe aussi des polymères conducteurs, soit à l'état intrinsèque, soit parce qu'ils sont chargés de particules de carbone conductrices (voir plus loin les composites).
Certaines molécules de polymères, rigides et allongées, sont susceptibles de s'orienter sous l'effet d'un champ électrique. Cet effet est utilisé dans des dispositifs d'affichage comportant des polymères de structure cristal-liquide (voir plus loin et article Les cristaux liquides). Lorsque le champ n'est pas appliqué, les molécules sont en désordre local, le matériau est opaque et d'apparence laiteuse. Lorsque le champ est appliqué, les molécules s'orientent dans la même direction et laissent passer la lumière. Le matériau devient transparent.
Ces propriétés englobent des caractéristiques diverses:
Imperméabilité aux liquides et aux gaz, résistance chimique aux solvants, résistance aux rayons ultraviolets.
Les polymères sont employés pour la fabrication d'imperméables, d'emballages, de boîtes de conservation, de flacons pour les laboratoires, de citernes, de gaines de câbles, pour l'enduction de tissus, etc.
Toutes les propriétés décrites sont directement reliées à la nature chimique des molécules (voir ci-dessous) et à la microstructure du matériau.
Même quand on ne sait pas très bien ce que sont les polymères, leurs noms nous sont assez familiers par les fibres textiles (polyamide, polyester) ou les matériaux de construction (polychlorure de vinyle ou PVC). En somme un polymère, c'est un poly-quelque chose. Les molécules des polymères sont constituées de la répétition d'un motif générique, le -mère (cela signifie qui engendre), appelé monomère.
Par exemple, la molécule de polyéthylène est formée de l'association en chaines du motif -CH2- provenant de l'éthylène. Le nombre de motifs peut être extrêmement élevé, jusqu'à 100 000. Ce sont donc des molécules géantes, d'où leur nom de macromolécules. Si elles sont géantes à l'échelle atomique, il n'en reste pas moins que nous sommes dans le domaine de l'infiniment petit: les plus longues mesurent quelques micromètres.
Dans une molécule linéaire, les monomères sont enchainés en ligne. En réalité, la molécule est rarement parfaitement linéaire. Elle peut être branchue ou ramifiée (figure 1). Enfin, les chaines moléculaires peuvent être interconnectées en réseau (réticulées) et constituent alors une seule supermolécule (figure 2).
Fig.1- Schéma d'une macromolécule ramifiée | Fig.2- Schéma d'une macromolécule en réseau ou réticulée |
Les molécules des thermoplastiques sont linéaires (plus ou moins branchues ou ramifiées). Les molécules des thermodurcissables sont réticulées.
En-dessous de la transition vitreuse, les molécules sont figées dans le matériau. Au-dessus de cette température, des segments de molécules sont mobiles. Par exemple, il vibrent entre deux points d'attache de façon analogue à une corde de guitare.
La nature chimique des macromolécules détermine en partie les propriétés des polymères. Le téflon (polytétrafluoroéthylène, PTFE) doit ses propriétés d'antiadhérence et de résistance à la chaleur à la présence d'atomes de fluor dans sa molécule: d'où son utilisation dans les ustensiles de cuisine. Il est aussi retenu comme constituant du gore-tex, une membrane parsemée de trous, sur laquelle les gouttelettes d'eau roulent sans mouiller.
Les propriétés dépendent aussi largement de la façon dont s'assemblent les macromolécules. Dans la suite de cette présentation, nous verrons qu'elles sont parfois en désordre, parfois plus ou moins ordonnées: empilées, alignées, étirées, repliées, mélangées, nouées, etc., ce qui donne lieu à différentes microstructures.
Beaucoup de polymères thermoplastiques ont une structure amorphe (sur la définition de l'amorphe, voir article Géométrie cristalline): polyéthylène basse densité (PEBD), polystyrène (PS), polyméthacrylate de méthyle (PMMA).
Les macromolécules linéaires y sont entremêlées en pelote comme des nouilles (cuites!) dans un plat. On dit qu'elles sont en désordre, mais c'est là un point de vue qui dépend de la définition de l'ordre. On prendra comme définition générale de l'ordre, le fait de pouvoir attribuer une règle d'arrangement, ou une organisation. Dans la structure amorphe, les macromolécules sont flexibles et disposées sans aucune règle, de façon aléatoire. Mais cela donne quelque chose d'assez homogène.
En général, les polymères amorphes employés sans adjonction d'autres substances sont transparents. C'est le cas, par exemple des films de polyéthylène basse densité, des boitiers en polyméthacrylate de méthyle, des bouteilles d'eau en polytéréphtalate d'éthylène (PET). Mais le caractère de transparence n'est pas systématique, et inversement, il n'est pas systématiquement relié au caractère amorphe dans la matière. Il suffit de citer l'exemple d'un cristal de quartz.
Les thermodurcissables sont généralement amorphes, par exemple les résines polyépoxydes. En effet, les réticulations et pontages ont lieu dans toutes les directions empêchant tout ordre d'orientation, provoquant l'isotropie du matériau. Cela ressemble à un enchevêtrement de lianes s'accrochant les unes aux autres par des tentacules en de multiples points.
Une autre catégorie d'amorphes est constituée par les élastomères. Ce sont des caoutchoucs tels que le polyisoprène (caoutchouc naturel et synthétique) et le polybutadiène. Leur température de vitrification est en-dessous de la température ambiante de sorte qu'ils restent souples.
Les macromolécules sont emmêlées en pelote, et de plus elles sont reliées de façon assez lâche par des nœuds dont la nature varie selon les types d'élastomères. Lorsqu'on tire sur un élastomère, les molécules se déplient et s'allongent. Le rôle des nœuds est de les empêcher de glisser et de les ramener dans leur position initiale lorsqu'on relâche la tension.
La structure cristalline n'est pas réservée au monde minéral (voir article Géométrie cristalline). Elle est largement présente dans les polymères thermoplastiques, mais elle se révèle sous des aspects spécifiques aux polymères à cause de leurs longues molécules: les cristallites et les sphérolites.
Le polyéthylène en est un bon exemple. Dans une cristallite de polyéthylène, les chaines macromoléculaires linéaires non ramifiées sont repliées en accordéon. Les parties rectilignes des repliements s'ajustent les unes contre les autres en empilements réguliers (figure 3). C'est la définition même d'un cristal. Sa particularité est que l'une des directions d'empilement (ici celle qui est représentée verticalement) est concrétisée par la chaine elle-même.
Fig.3- Schéma d'un cristal de polyéthylène © A. Boudet | Fig.4- Cristallites dans du polyéther-éther-cétone (microscopie électronique en transmission, © cliché A. Boudet) |
Cependant, ces cristaux ne sont pas parfaits. Cela ne veut pas dire qu'ils sont mauvais, mais qu'au regard de notre définition de l'ordre, ils souffrent de défauts aux règles.
Par exemple, les chaines ne sont pas parfaitement alignées et parallèles, ou bien pas vraiment calées les unes contre les autres. Il s'ensuit que les cristaux ne se développent qu'à des tailles très limitées, inférieures au micromètre. C'est ce qu'on nomme cristallites. Les matériaux en polyéthylène et autres thermoplastiques sont constitués de cristallites enrobés de matière amorphe (figure 4). Ils sont dits semi-cristallins.
Dans certaines conditions favorables de cristallisation, les cristaux ont la liberté de se développer à des tailles beaucoup plus grandes, plusieurs micromètres, et sont visibles au microscope optique (figure 5). On découvre que leur croissance s'est effectuée de façon radiale. Pour cette raison, on les nomme des sphérolites. La structure en sphérolites est particulièrement belle. Cependant, dans les matériaux industriels, il est préférable que les sphérolites restent petits, sinon le matériau est fragile.
Le polyéthylène cristallin dont il a été question ci-dessus est un polyéthylène haute densité (PEHD) dont les molécules sont parfaitement linéaires. Si par contre les chaines sont ramifiées, elle ne s'empilent pas en cristallites. On a affaire à un polyéthylène basse densité (PEBD) amorphe.
Certains matériaux comme le polytéréphtalate d'éthylène (PET) sont amorphes ou partiellement cristallins selon le mode de fabrication. Même s'il a une bonne tendance à cristalliser lorsqu'on le refroidit à partir de son état fondu, il a besoin de temps pour s'organiser. Un brusque refroidissement (une trempe) le solidifie à l'état amorphe.
Les fibres naturelles sont connues et employées depuis longtemps en tant que fils textiles et cordages, par exemple le coton, le lin et le chanvre. Leur caractéristique est d'avoir une forme extrêmement allongée dans un sens, et une section toute petite. Elles sont exploitées pour leur teneur mécanique dans le sens de la longueur. Cette propriété provient d'un constituant, la cellulose, polymère naturel du glucose. La soie, la laine sont d'autres exemples de fibres naturelles.
Les polymères synthétiques ont également conquis le domaine des fibres. Le nylon (un polyamide) a été l'un des premiers polymères synthétiques. Les fibres synthétiques ont une longueur pratiquement aussi grande que l'on veut, et sont appelées des filaments. Leur diamètre est très petit, environ 50 à 10 µm, et même moins de 10 µm dans le cas des microfibres. Les filaments sont assemblés en fils (figure 6).
Fig.6- Dans une toile, les fils de coton entrecroisés sont faits de faisceaux de fibres (microscopie électronique, © cliché A. Boudet) | Fig.7- Dans une fibre à haute résistance, les molécules (en vert) sont parallèles et sont reliées par des nœuds ou par des liaisons hydrogène (en jaune) |
Les microstructures des fibres sont de toutes sortes. Elles peuvent être amorphes (fibres transparentes en polyméthacrylate de méthyle pour l'optique, fil de pêche en polyamide), quelquefois semi-cristallines. Mais souvent, les molécules s'étirent parallèlement à l'axe de fibre. C'est dans cette configuration que la fibre possède la meilleure résistance à la traction. De cette façon, on peut fabriquer des fibres ultra-résistantes. A condition toutefois que ces molécules soient solidaires. Cela est réalisé par des enchevêtrements ou par des liaisons hydrogène comme dans le cas du Kevlar, un polyaramide (figure 7).
Les molécules des cristaux-liquides ne sont pas isotropes (leur forme n'a pas d'orientation privilégiée). Elles ont une forme rigide qui possède une orientation privilégiée. Elles sont par exemple allongées sous forme de bâtonnets. Ces bâtonnets ont tendance à s'empiler côte à côte, parallèlement les uns aux autres. Par rapport aux structures amorphe et cristalline, un ordre d'orientation a été introduit, une anisotropie dans la structure.
En ce qui concerne les polymères, un exemple d'anisotropie a été donné dans la section précédente avec les fibres à haute résistance. Dans ce cas, les bâtonnets rigides sont les monomères reliés de façon linéaire dans une même chaine (figure 8).
Une autre façon d'introduire les bâtonnets rigides dans une macromolécule est de les attacher comme pendentifs le long d'une chaine flexible (figure 9). On obtient des polymères cristaux-liquides en peigne. Ils adoptent naturellement une structure en couches constituées par les "dents" du peigne.
Fig.8- Macromolécule de polymère cristal-liquide linéaire
Fig.9- Macromolécule de polymère cristal-liquide en peigne ©A. Boudet
Afin d'améliorer ou d'adapter les caractéristiques des polymères, on leur ajoute ou on leur associe d'autres substances: additifs chimiques, minéraux, gaz, fibres de renforts, autres polymères.
Dans les polymères, on ajoute systématiquement des substances chimiques appelées additifs destinées à modifier leurs caractéristiques: dureté, aspect (agents gonflants), couleur (pigments), résistance chimique (agents antioxydants).
Les plastifiants favorisent leur mise en forme en les rendant plus souples, ou plus coulants lorsqu'ils sont chauffés.
Le polychlorure de vinyle (PVC) est un produit rigide et dur employé par exemple pour la fabrication de tuyaux. Si on lui ajoute un plastifiant, il devient souple et sert à la fabrication de toiles cirées.
Afin de renforcer un polymère, on peut le parsemer de diverses substances soit sous forme de particules, soit sous forme de fibres. On dit que le polymère constitue la matrice et qu'il est chargé ou renforcé de particules ou de fibres.
Le polypropylène dont sont faites les tables et chaises de jardin contient des particules de talc qui augmentent sa rigidité, sa résistance à la chaleur, sa tenue à la lumière, et diminuent le coût des matières premières. Dans les composites dentaires, les charges sont des particules de silice, dont l'intérêt est de diminuer le retrait lors de la polymérisation et d'augmenter la compatibilité du matériau avec les tissus vivants. Les élastomères des pneus sont chargés de noir de carbone.
Pour obtenir de hautes performances mécaniques, il vaut mieux renforcer les matrices par des fibres longues disposées de façon régulière et ordonnée. Ce sont des fibres minérales telles que fibres de verre ou de carbone, fibres polymères (polyaramides, polyesters aromatiques, polyéthylène) ou fibres végétales (lin, chanvre). Elles sont disposées en tissus orientés à une ou deux dimensions, ou tressées en trois dimensions.
Les matrices sont choisies en fonction de leur tenue à la chaleur. Les plus résistantes sont les thermodurcissables comme les polyesters insaturés et les polyépoxydes, mais les thermoplastiques ont l'avantage d'être stockés et mis en œuvre plus facilement, d'être recyclables, et certains peuvent résister à de hautes températures de l'ordre de 250°C (polytéréphtalate d'éthylène, polyparaphénylène). La qualité d'un composite dépend de la qualité de l'imprégnation des fibres par la matrice.
Le polystyrène est un polymère très employé, transparent et rigide, mais cassant. Un bon moyen de remédier à cette faiblesse vis-à-vis des chocs est de lui incorporer un autre polymère absorbant les chocs, un élastomère appelé polybutadiène. On aboutit à un matériau différent, opaque, macroscopiquement homogène, le polystyrène-choc. Le polybutadiène, en proportion de quelques pour cent, est dispersé sous forme de gouttelettes de quelques micromètres de diamètre.
On fait souvent appel aux mélanges pour associer diverses sortes de polymères, quoiqu'il ne soit pas facile de mélanger deux polymères différents. Ils ont tendance à vouloir se séparer. Il faut leur appliquer un brassage énergique et leur ajouter des émulsifiants pour obtenir un mélange homogène. Cependant au niveau microscopique, les deux polymères restent distincts, ainsi qu'on peut le constater en microscopie électronique (figure 10).
Fig.10- Mélange d'un thermoplastique et d'une résine polyépoxyde | Fig.11- Molécule de copolymère en peigne à trois composants. |
Pour éviter que deux polymères différents ne se séparent trop fortement comme dans un mélange, on peut associer chimiquement leurs monomères au sein d'une même molécule. Le procédé est plus élaboré qu'un mélange et les produits obtenus sont employés dans des applications plus techniques.
Par exemple, la molécule peut comporter à la fois de l'éthylène et du propylène. On a un copolymère éthylène - propylène. Il y a plusieurs types d'assemblages possibles dans une molécule:
Les élastomères thermoplastiques sont à la fois une classe particulière d'élastomères et une classe particulière de copolymères à blocs. Dans un copolymère à blocs linéaire, si l'un des monomères est rigide (exemple le styrène), et l'autre souple (exemple isoprène ou butadiène), les blocs rigides des différentes chaines moléculaires ont tendance à s'assembler en nœuds d'ancrage. Si l'on tire sur cette molécule, les nœuds agissent comme points de rappel. On a un élastomère. Mais comme les molécules sont linéaires, elles ont la faculté de se séparer sous l'effet de la chaleur. Le copolymère est donc thermoplastique, avec les avantages que cela représente.
Les illustrations de cet article sont reproduites du livre de l'auteur: Voyage au cœur de la matière plastique, CNRS Editions, 2003. Cet ouvrage comporte de nombreuses photographies des différentes microstructures des polymères, prises en microscopies optiques et électroniques.
Texte conforme à la nouvelle orthographe française (1990)
17 février 2005